Jeudi, 22 Mai
Homélie du dimanche 23 février 2025. 7ème dimanche du Temps ordinaire. Bertrand Caux, diacre.
 
                                                   « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent...
                                                      Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux »
                Comment accueillir ces paroles fortes de Jésus ? Comment accéder, sans réserve, à ce sommet de la Foi chrétienne ?
                               Car il s’agit bien d’un sommet dans la mesure où cette prescription n’existe dans aucune autre religion.
 
Nous avons tous conscience que notre monde irait mieux s’il y avait plus d’amour. Mais que mettons-nous derrière ce mot ? Car le mot amour est un mot équivoque lorsqu’il est pris isolément sans référence à un agir.
En effet, l’amour peut être égoïste voire sectaire. Aussi, ce n’est pas anodin si dans l’évangile, nous sommes invités à aimer comme Jésus nous a aimés.
Le mot « comme » a une importance capitale car il sous-entend une dynamique d’apprentissage et nous place dans une position d’humilité pour parvenir à l’amour véritable, celui du Christ.  
« Aimez vos ennemis » est sans nul doute une invitation qui heurte nos esprits et donc nous provoque. N’avons-nous pas en effet une fâcheuse tendance à limiter notre amour à ceux qui nous ressemblent, à ceux qui nous aiment et qui nous veulent du bien ?
Mais qui y a-t-il d’exceptionnel à faire cela ? C’est bien ce que Jésus exprime quand il nous dit : « si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle reconnaissance méritez-vous ? »
« Aimer son ennemi » lorsqu’il est réellement coupable, ne veut pas dire qu’il faille abdiquer devant lui et faire preuve de faiblesse. Cela ne veut pas dire non plus qu’il faille s’incliner devant le mal, pactiser avec lui. Le mal et la souffrance sont toujours à combattre.  Dénoncer l’action mauvaise est nécessaire, mais toujours en refusant d’anéantir l’autre, en refusant de le supprimer.
« Aimer vos ennemis » est une invitation à prendre conscience qu’il n’y a pas de véritable amour sans une totale gratuité envers celui vers qui cet amour est porté.
« Aimer ses ennemis », c’est aimer comme Dieu nous aime. C’est exercer la miséricorde dont nous bénéficions gratuitement de la part de Dieu.
Alors, c’est vrai que ce n’est pas facile car cela touche à des blessures qui peuvent être profondes. Et nous le savons tous, pour en avoir fait l’expérience ou pour en avoir été témoins, qu’avancer sur un chemin de pardon et d’amour désintéressé envers celui qui fait tant souffrir est impossible à vue humaine.
Mais Dieu est là à nos côtés, qui par son Esprit peut nous aider à franchir l’impossible si nous acceptons de nous en remettre à lui.
Car en effet, c’est par la présence de Dieu en nous que nous pouvons atteindre cette perfection de l’amour qui rend capable d’aimer ses ennemis. Et cette présence, nous pouvons la trouver dans une familiarité avec la Parole de Dieu et une intimité avec lui que nous pouvons puiser dans la prière personnelle et communautaire.
Ce chemin de miséricorde envers ses ennemis est celui que Jésus a pris au moment de sa condamnation. C’est le chemin que bien d’autres ont su prendre à sa suite.
Je pense bien sûr à tous les martyrs dans la Foi, mais aussi à ceux qui ne sont pas canonisés comme ce couple de croyants, amis de mes parents, que j’ai côtoyé dans ma jeunesse et qui m’a beaucoup marqué.
Confrontés au viol et à l’assassinat de leur fille à Paris alors qu’elle faisait des études, ils ont eu le courage et la force d’avancer sur un chemin de pardon avec l’assassin de leur fille en allant jusqu’à le rencontrer en prison. Cette démarche m’avait beaucoup frappé et j’ai perçu combien cela les avait apaisés et remis dans la Vie. Ils rayonnaient de la miséricorde de Dieu. Si des actes odieux sont commis et doivent être condamnés par la justice, il est important de ne pas non plus enfermer la personne dans l’acte qu’elle commet.
Cette attitude de miséricorde envers les ennemis est aussi mise en avant dans l’extrait du premier livre de Samuel entendu en première lecture.
Ce passage nous plonge au cœur d’une haine féroce du roi Saül, le premier roi d’Israël, à l’égard de David son rival. Car en effet, le Roi Saül, pourtant choisi par Dieu, a démérité dans sa fonction et David est le nouveau roi choisi lui aussi par Dieu. L’ayant appris, Saül est parti en guerre contre son rival.
Or voici qu’une occasion exceptionnelle, voire « providentielle », est donnée à David de se débarrasser de Saül.
En approchant du camp où séjournait Saül, David et son aide Abishaï l’aperçoivent endormi avec sa lance plantée à côté de lui. Il lui était alors facile d’éliminer Saül.
C’est d’ailleurs ce que voulait faire Abishaï. Mais David l’en empêche au motif que Saül a été oint et donc choisi par le Seigneur. Et voilà ce qu’il lui dit plus tard : « Le Seigneur t’avait livré entre mes mains, mais je n’ai pas voulu porter la main sur le messie du Seigneur ».
Nous avons là un bel exemple de miséricorde envers un ennemi même si nous savons que David n’adoptera pas toujours cette attitude par la suite.
Si David a perçu cette miséricorde à l’égard seulement de celui que Dieu a choisi, nous voyons dans l’évangile que Jésus nous invite à étendre cette miséricorde envers tous les hommes.
St Paul l’a parfaitement compris lorsqu’il dit aux Corinthiens : « de même que nous aurons été à l’image de celui qui est fait d’argile, de même nous serons à l’image de celui qui vient du ciel »
Ainsi, nous qui sommes issus de l’argile, nous sommes destinés à devenir l’image du Christ et donc à aimer comme lui.
 
                        Puisse cette eucharistie nous faire entrer dans cette dynamique d’un amour miséricordieux,
                                                               totalement gratuit, à l’image de celui du Christ.
                                                                                          Amen.