C’est un jour de sabbat comme les autres, un jour où l’on s’arrête, un jour pour aller à la synagogue. Jésus, fidèle à la tradition de ses pères, suit le mouvement. On est à Nazareth, ce village qui l’a vu grandir. On le connait bien, Jésus. C’est le fils de Joseph, le charpentier. Mais voilà qu’aujourd’hui, en plus de l’avoir connu tout petit, de l’avoir vu grandir, une réputation le précède. De source sûre, on sait tout de lui !
L’évangéliste Luc nous raconte qu’avant que Jésus ne revienne en Galilée, Jésus a voyagé au bord du Jourdain. Il y a été baptisé par Jean avant de passer 40 jours dans le désert, tenté par trois fois par le diable. C’est tout. Et pourtant, déjà, des rumeurs courent à son sujet: 14 Jésus retourna en Galilée, avec la puissance de l'Esprit ; le bruit s'en répandit dans toute la région. 15Il enseignait dans leurs synagogues, et il était glorifié par tous.
Il n’y a rien de pire que les rumeurs. Il n’y a rien de pire que les étiquettes qu’on nous colle dans le dos ou sur le front. Au travail, dans la famille, auprès des copains, dans notre église, des rumeurs peuvent courir à notre sujet. Ces rumeurs ont un côté angoissant parce qu’elles peuvent nous paralyser dans la relation avec l’autre. Une rumeur sur nous-même nous restreint et peut nous enfermer dans un rôle.
Et puis, au-delà de ce que les autres disent de nous, il y a ce que nous disons de nous même. Parfois nous pouvons comprendre que ce qui fonde notre identité ce sont nos traditions, nos coutumes, nos habitudes, notre appartenance religieuse :« je vais à la messe toutes les semaines, je suis catholique » - « je vais au culte tous les dimanches, je suis protestant »… Et là, je ne vous parle pas des protestants identitaires, ceux qui le sont par voies ancestrales, par héritage historique et qui renoncent à toute spiritualité, bref !
Jésus revient à Nazareth avec l’héritage religieux dont il est dépositaire et avec toutes les nouvelles étiquettes qu’on lui attribue depuis quelques temps. Tout le monde à l’air de savoir qui il est !
Et le voilà à la synagogue, il prend le rouleau qu’on lui tend et lit: L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a conféré l’onction pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres ; il m'a envoyé pour proclamer aux captifs la délivrance, et aux aveugles le retour à la vue, pour renvoyer libres les opprimés, pour proclamer une année d'accueil de la part du Seigneur.
Et tout le monde attend le commentaire, la prédication, l’homélie… de l’enfant prodige sur ce texte d’Esaïe ânonné sans cesse depuis tant de générations. Elle sera courte :
Aujourd'hui cette Ecriture, que vous venez d'entendre, est accomplie.
Il aurait pu continuer : « vous avez l’air de savoir qui je suis, mais ce qui fonde mon identité véritable est cette parole. C’est dans les Ecritures qui témoignent de Dieu que je trouve qui je suis. C’est dans les Ecritures que je trouve la vérité de ma vie. L'Esprit du Seigneur est sur moi… Voilà ce qui fonde mon identité."
Et moi… et nous ? Oserons-nous dire que ce qui fonde notre identité, en dépit de tout ce que les autres disent de nous, en dépit de tout ce que nous croyons être, est une parole de la Bible ?Dans notre texte, Jésus dit accomplir ce qu’il lit à l’assemblée et c’est en soit un vrai programme spirituel, politique et social:il m'a conféré l’onction pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres ; il m'a envoyé pour proclamer aux captifs la délivrance, et aux aveugles le retour à la vue,pour renvoyer libres les opprimés, pour proclamer une année d'accueil de la part du Seigneur« Vous pensez savoir qui je suis ? Mais vous n’avez encore rien vu ! Voilà ce à quoi vous pouvez dores et déjà vous attendre car c’est ce pour quoi je suis là… » aurait pu continuer Jésus.
Aujourd'hui cette Ecriture, que vous venez d'entendre, est accomplie.
Par cette parole Jésus vient faire une brèche dans la continuité. Avant lui, personne ne s’est emparé de cette parole. Les traditionalistes d’alors ont du en être choqués, eux qui pensaient pouvoir ânonner ce texte pendant encore quelques siècles sans se sentir dérangés ! Mais voilà que Jésus intervient comme cet enfant impatient et agaçant auquel on répond mécaniquement: « non, pas maintenant, attend, plus tard ».
Aujourd'hui cette Ecriture, que vous venez d'entendre, est accomplie. Cette histoire ne se passe pas à Nazareth il y a deux mille ans. Elle se passe ici et maintenant.Jésus ouvre un passage, il montre du doigt ce chemin dans lequel il s’engage.Croire en Jésus-Christ, croire en Dieu c’est faire confiance à ce nouveau chemin qu’il nous offre. C’est croire qu’en vivant de ces paroles on peut partager quelque chose de bien avec le monde, de bien avec les autres. Vivre de ces paroles c’est sentir la joie qu’elles procurent quand elles s’accomplissent réellement : une bonne nouvelle en sorte !Jésus nous invite à être présent dans le monde par des engagements concrets, des engagements qui s’inscrivent dans la vie ordinaire, le quotidien, l’habitude, dans le Hic et Nunc, le ici et maintenant.Aujourd’hui, je peux aussi être le témoin de ce Dieu qui m’accompagne.Dans notre société laïque, croire en JC c’est partager ce que nous vivons avec Dieu par nos mots, nos gestes… Des mots, des gestes qui redonnent espoir,qui redonnent à voir Dieu,qui délient et délivrent de ce qui emprisonne,qui défendent le petit face à la méchanceté et l’injustice.Nos paroles, nos gestes peuvent alors entrer en échos avec ce que Jésus nous rappelle au v.19 par cette parole du prophète d’Esaïe : c’est l’année où vous verrez la bonté du Seigneur !Ça ne pouvait pas mieux tomber ! Voilà une parole d’espérance pour nous qui nous est donnée en ce début d’année. c’est l’année où vous verrez la bonté du Seigneur ! une année remplie d’espérance s’offre à nous. Une année remplie des bénédictions de Dieu que nous pouvons rendre réelles dans nos vies, ici et maintenant.
Amen
Rappel des textes :
Luc 1
1 Puisque beaucoup ont entrepris de composer un récit des faits qui se sont accomplis parmi nous, 2tels que nous les ont transmis ceux qui, dès le commencement, en ont été les témoins oculaires et sont devenus serviteurs de la Parole, 3il m'a semblé bon, à moi aussi, après m'être informé exactement de tout depuis les origines, de te l'exposer par écrit d'une manière suivie, très excellent Théophile, 4afin que tu connaisses la certitude des enseignements que tu as reçus.
Luc 4
14 Jésus retourna en Galilée, avec la puissance de l'Esprit ; le bruit s'en répandit dans toute la région. 15Il enseignait dans leurs synagogues, et il était glorifié par tous.16 Il vint à Nazareth, où il avait été élevé, et il se rendit à la synagogue, selon sa coutume, le jour du sabbat. Il se leva pour faire la lecture, 17et on lui remit le livre du prophète Esaïe. Il déroula le livre et trouva le passage où il était écrit :18 L'Esprit du Seigneur est sur moi,parce qu'il m'a conféré l'onctionpour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres ;il m'a envoyépour proclamer aux captifs la délivrance,et aux aveugles le retour à la vue,pour renvoyer libres les opprimés,19 pour proclamer une année d'accueil de la part du Seigneur.20 Puis il roula le livre, le rendit au servant et s'assit. Les yeux de tous, dans la synagogue, étaient fixés sur lui. 21Alors il se mit à leur dire : Aujourd'hui cette Ecriture, que vous venez d'entendre, est accomplie.