Vendredi, 10 Mai
Homélie du dimanche 7 avril 2024. Divine Miséricorde. Frère Damien, op.

« Je suis comme saint Thomas, je ne crois que ce que je vois ! »

Sans doute avez-vous déjà entendu cette phrase ? Peut-être même l’avez-vous déjà prononcée vous-même ? Il y a une saine prudence qui s’exprime dans une telle parole : il s’agit de ne pas faire preuve de crédulité, de ne pas croire naïvement tout ce qui se dit, de ne pas accorder notre confiance au premier venu.

Mais par exemple, allons-nous douter de l’existence de Jules César ou de Napoléon sous prétexte que nous ne les avons pas connus personnellement ? Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire qu’il y aurait là un excès de méfiance tout à fait risible. La même voix de la raison qui nous retient de croire tout et n’importe quoi nous conduit aussi à adhérer aux énoncés qui présentent des signes suffisants de crédibilité. En l’occurrence, il s’agit de faire confiance aux historiens qui attestent que les sources dont nous disposons nous assurent de certains faits passés. C’est d’ailleurs aussi le cas pour l’existence de Jésus-Christ lui-même. À part Michel Onfray qui a osé publier il y a quelques mois un ouvrage dans lequel il prétend que Jésus n’aurait pas existé et que les récits évangéliques auraient été composés de toutes pièces à partir des prophéties de l’Ancien Testament, quasiment personne, et en tout cas personne de sérieux, ne met en doute le fait que l’homme Jésus a réellement vécu en Terre Sainte il y a deux millénaires. C’est pourquoi les réactions de bon sens et par des voix autorisées n’ont pas manqué suite à cette publication.

Revenons à saint Thomas. Il avait un haut degré d’exigence concernant ses raisons de croire. Il n’a pas voulu ajouter foi au témoignage des autres apôtres, qui avaient vu les marques de la Passion sur le corps du Christ ressuscité et qui l’ont dit à Thomas ; mais celui-ci a exigé de constater cela par lui-même.

Sans doute a-t-il été impressionné, comme tous les autres, que Jésus apparaisse au milieu d’eux alors que les portes étaient fermées à clé. Mais il a sûrement été marqué aussi par le fait que Jésus a pris la parole en premier : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant » (Jn 20,27). Voilà Thomas face à Jésus vivant, qui prend les devants pour répondre à sa requête !

Cette fois-ci, l’apôtre incrédule est passé à la foi ; et il est important de comprendre la différence entre voir et croire ; qu’est-ce que Thomas a vu ? L’homme Jésus, portant sur son corps les marques de sa Passion ; mais qu’a-t-il cru ? Que cet homme était son Seigneur et son Dieu ; donc ce qu’il a cru était plus que ce qu’il a vu.

Croire, ce n’est pas voir ; dans l’au-delà, nous verrons Dieu et alors nous n’aurons plus besoin de la foi, ni d’ailleurs de l’espérance, comme le dit saint Paul : « voir ce qu’on espère, ce n’est plus espérer : ce que l’on voit, comment peut-on l’espérer encore ? » (Rm 8,24). Des trois vertus théologales, seule demeurera la charité, qui est la plus grande des trois, comme saint Paul l’explique aussi (1 Co 13,13).

Quant à nous, nous croyons aussi que Jésus-Christ est Dieu et Seigneur. Pourtant, nous n’avons pas bénéficié des apparitions de Jésus ressuscité, comme saint Thomas et les autres apôtres qui ont mangé et bu avec lui durant les 40 jours qui ont séparé Pâques de l’Ascension. Nous croyons sans avoir vu, en raison de leur témoignage, et Jésus nous dit que cela constitue pour nous une raison profonde d’être heureux ; pourquoi ?

Saint Jean, dans la seconde lecture que nous avons entendue, nous donne une réponse à cette question : si nous sommes heureux de croire au Christ, c’est parce que la foi nous rend vainqueurs du monde. Qu’est-ce que cela signifie ? Qu’est-ce que ce monde dont notre foi nous rend vainqueurs ?

Nous pouvons penser que que le terme « monde » désigne ici un environnement hostile. Nous pouvons avoir en vue les personnes qui s’opposent à Dieu, autour de nous, ou loin de nous, comme par exemple ceux qui provoquent des guerres. Sans doute ; mais plus dangereuses encore sont les forces qui en chacun de nous résistent à Dieu.

Le combat que le Christ a mené sur la croix était dirigé contre les forces du mal, l’empire des ténèbres, les esprits mauvais qui ont déclaré la guerre au Seigneur. Lui, qui est la Vie, a affronté la mort et il est sorti vainqueur de ce combat. Quant à nous, il nous reste à accueillir cette victoire dans nos cœurs, dans nos vies, en nous plaçant résolument du côté du Christ.

Comment savoir si nous sommes vraiment du côté du Christ ? St Jean nous l’a dit, dans la même deuxième lecture : c’est le cas si nous nous efforçons d’agir en toutes choses selon l’Évangile, selon les commandements de Dieu. Il s’agit de rechercher le bien, la vérité, la justice, la miséricorde, en un mot l’amour tel que Jésus nous l’a révélé.

C’est seulement ainsi que notre foi est vivante, c’est seulement ainsi que nous sommes vraiment vivants. La première lecture, tirée des Actes des apôtres, nous a donné une très belle évocation d’une telle foi vécue en communauté, tel que c’était le cas peu après la Résurrection de Jésus, à Jérusalem où « la multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul cœur et une seule âme ».

Si nous vivons ainsi, c’est le désir profond de Jésus qui s’accomplit, comme nous l’a dit l’évangéliste : le Fils de Dieu est venu pour que nous ayons foi en lui, et pour qu’en croyant, nous ayons la vie en son Nom.