Jeudi, 22 Mai
Homélie du dimanche 18 février. 1er dimanche de Carême. Frère Arnaud Blunat, Op

Vous l’avez sans doute remarqué : l’épisode des tentations au désert est totalement absent du récit de l’évangile de S. Marc. Alors que Matthieu et Luc évoquent les fameuses trois tentations, Marc se contente de dire laconiquement :

« Jésus resta quarante jours, tenté par Satan ».
Mais il précise aussitôt : « il vivait parmi les bêtes sauvages, et les anges le servaient ».
Il ne s’agit pas d’un détail mais bien d’une description de ce qu’est Jésus, de sa mission, de ce pourquoi il est venu sur la terre.


En effet, symboliquement les bêtes sauvages représentent tous les dangers du monde, le mal qui existe dans la création. Quand un homme s’aventure seul dans la jungle ou dans la savane, il risque sa vie, car des bêtes sauvages peuvent l’attaquer et le tuer. Ici dans le désert, Jésus est entouré par les esprits mauvais qui à l’instigation de Satan sont envoyés pour le détourner de sa mission, et surtout de le faire douter de lui-même en l’éloignant de son Père. Le monde sauvage, brute, brutal, c’est un peu le monde dans le quel nous vivons encore aujourd’hui. C’est aussi cette part de nous-même que nous maîtrisons mal, ce qui constitue le péché dans le cœur de l’homme, lorsque l’homme se détourne de Dieu pour agir comme il veut.
Or Jésus est venu pour affronter le mal, il est venu pour déjouer le piège tendu par Satan, et pour détruire le péché qui avilit le cœur de l’homme. Jésus pour cela a accepté de vivre au milieu du monde, au milieu des pécheurs, et même de prendre ce péché sur lui, de se faire considérer comme un pécheur, un possédé, et même un imposteur. Au désert, Jésus vivait dont parmi les bêtes sauvages.

Après avoir été plongé dans les eaux du baptême, Jésus va donc mener le combat contre le mal, et après sa mort sur la croix, il descendra aux enfers pour chercher les morts qui attendaient sa venue depuis l’origine de l’humanité. C’est ce que S. Pierre écrit dans le passage que nous avons entendu :  « c’est lui, Jésus, qui est parti proclamer son message aux esprits qui étaient en captivité ».
C’est bien ce que nous proclamons dans le symbole des apôtres : il est descendu aux enfers.
En parallèle, nous avons entendu dans le récit de la Genèse l’évocation de Noé qui a été sauvé du déluge avec les siens. Pourquoi donc y a-t-il eu le déluge ? Le texte biblique nous informe que Dieu s’était repenti d’avoir créé le monde en raison du péché des hommes. Mais devant Noé, il s’engage à ne plus détruire la terre, et pour cela il fait de l’arc en ciel le signe de l’alliance qu’il veut désormais conclure avec les hommes. Dieu n’est pas pour la mort mais pour la vie. Il ne veut pas la mort des hommes mais il veut qu’ils vivent. Dieu n’est pas pour la destruction, encore moins pour la guerre, il est pour la paix, la réconciliation.
Cependant l’histoire des hommes continuera avec les mêmes désordres. Ce n’est qu’avec son Fils que le Père manifestera l’immensité de son amour et son Salut définitif.
Dans le désert, Jésus est éprouvé dans sa condition humaine, il est tenté comme nous le sommes. Mais la présence des anges qui le servent atteste son origine divine. « Il vivait parmi les bêtes sauvages, et les anges le servaient ».

Jésus s’en est allé au ciel, comme le précise la lettre de S Pierre, lui à qui sont soumis les anges, ainsi que les souverainetés et les Puissances ». Et dans le credo nous proclamons qu’il est assis à la droite du Père d’où il viendra juger les vivants et les morts.
Jésus tout en étant engagé dans notre humanité est tout autant en communion avec le monde céleste. C’est dans la personne du Verbe fait chair que coexistent sa nature humaine semblable à la nôtre et sa nature divine qui l’unit au Père de toute éternité.
Mais me direz-vous, en quoi cela nous concerne ? Qu’est-ce que cela nous apporte de savoir que Jésus est vrai Dieu et vrai homme ? Et bien tout simplement parce qu’en vertu de sa double nature, il est en mesure de nous sauver. Le fait qu’il ait vécu comme nous notre condition d’homme avec ses dangers, ses risques, qu’il aient été tenté comme nous, mais qu’il les ait surmontées, qu’il en ait été vainqueur, cela nous importe énormément, car par lui, avec lui, nous savons que la mort est vaincue. Le fait qu’il vienne de Dieu et qu’il retourne à Dieu, qu’avec le Père et l’Esprit il n’est qu’un seul Dieu, cela nous importe également, parce qu’il est en mesure de nous associer à sa gloire, de nous donner le seul bonheur qui est de vivre libérés du  mal, du péché et de la mort.
Et cela, c’est au moyen du baptême, qui nous fait vivre dans l’amour de Dieu et nous sauve en vertu de la mort et de la résurrection de Jésus.
Voilà qui trace pour nous un chemin avec ce temps du carême. Avec Jésus, nous allons en effet au affronter ces bêtes sauvages qui peuplent notre désert intérieur. Nous allons donc vivre ce combat spirituel contre nous-mêmes, notre orgueil, notre égoïsme, et tout ce que nous voudrions changer en nous-mêmes. Mais nous allons aussi, goûter la présence de Dieu qui est avec nous et nous envoie ses anges, pour nous dire que nous ne sommes pas seuls. Il nous invite à lui faire confiance et à accueillir à nouveau son amour.

Puissions-nous, dans le secret de notre cœur, discerner le chemin qu’il nous propose pour renaître à une vie nouvelle.