Samedi, 11 Mai

20 août 2023. 20ème dimanche du Temps Ordinaire. Frère Arnaud Blunat (op)

« Ce que femme veut, Dieu le veut ! »

Nous avons une illustration de ce dicton dans la scène de l’évangile que nous venons d’entendre.

C’est en effet ce que Jésus dit à la Cananéenne venue lui demander de guérir sa petite fille : « femme, grande est ta foi. Que tout se passe pour toi comme tu le veux »

Pourtant, on est étonné du revirement de Jésus, impressionné par la foi de cette femme, par son audace et sa pugnacité, alors que, dans un premier temps, il ne lui avait manifesté qu’indifférence et hauteur. Le silence qu’il lui oppose est même surprenant, son attitude quelque peu désobligeante, alors que la femme manifeste une souffrance désespérée.

La raison qu’il donne de ne pas s’intéresser à elle dévoile une forme d’exclusivisme qu’on a peine à comprendre. Pourquoi est-il venu en territoire païen s’il ne recherche que les brebis perdues d’Israël ?

L’image des petits chiens atténue quelque peu l’impression méprisante, mais quoi qu’il en soit cette femme ne s’avoue pas vaincue ; elle a même du répondant. C’est d’ailleurs ce qui frappe Jésus car une telle insistance révèle une foi évidente. Ce que les divinités païennes ne peuvent procurer, Jésus l’offre en sa propre personne. Et cela, même des païens peuvent les percevoir.

Jésus ne veut pas tant défendre un nationalisme étroit qu’amener les peuples païens à la foi à travers l’expérience dont a bénéficié le peuple d’Israël, son peuple choisi entre tous pour être témoin de l’amour gratuit de Dieu, de la miséricorde donnée à tout homme.

Saint Paul le comprendra parfaitement, lui qui se sait désigné par le Seigneur pour être l’apôtre des nations. Comme il l’exprime dans sa lettre aux Romains, il reconnaît la grâce qui a été faite aux païens, mais se désole que ses propres frères issus du judaïsme aient refusé de reconnaître Jésus comme le Messie, et donc refusé l’annonce de l’évangile.

Paul dira même que d’Israël et des nations, Dieu n’a voulu ne faire qu’un seul peuple.
Et même, il dira que désormais dans le Christ, les séparations n’existent plus. Il n’y a plus ni juif, ni grec, ni esclave ni homme libre, il n’y a plus que le Christ qui est tout en tous.

Le Christ a voulu rassembler tous les hommes en son corps en livrant sa vie, en versant son sang sur la croix. La maison de prière pour tous les peuples, évoquée par Isaïe, ce sera la personne de Jésus en qui tous les hommes se retrouvent, et se reconnaissent tous frères.

Les chrétiens se doivent d’être les témoins de ce que Dieu veut réaliser dans le Christ : en choisissant Israël en premier, il a voulu ainsi manifester l’amour qu’il porte à travers Israël à chaque homme en particulier.

Il ne méprise aucun homme mais accueille volontiers celui qui est en recherche et se tourne sincèrement vers lui.

Ainsi se dessine l’attitude qui doit être la nôtre. Comme disciples du Christ, nous avons à reconnaître l’héritage que nous recevons d’Israël. Car comme le dit Saint Paul, les dons de Dieu sont sans repentance. Un chrétien ne peut en aucun cas manifester une attitude de réserve, de méfiance, encore moins de rejet vis à vis de ceux qui sont nos frères aînés dans la foi. L’antijudaïsme des chrétiens a été clairement condamné. Pie XII avait dit en 1938: spirituellement nous sommes tous des sémites. Et dans sa condamnation de l’Action française en 1926, son prédécesseur avait déclaré que l’antisémitisme était inadmissible.

Tout autant un chrétien se doit d’accueillir toute personne comme un frère, et considérer avec bienveillance une personne qui cherche de bonne foi la vérité, même si elle choisit un chemin qui n’est pas celui du Christ.

Il nous revient de témoigner de notre foi en Jésus en nous appuyant sur les évangiles et l’ensemble des Ecritures. Nous avons une vraie responsabilité à parler correctement de la personne de Jésus et à la présenter en termes justes à nos frères qui s’interrogent ou tiennent des propos inexacts.

Nous ne pouvons pas non plus ignorer ceux qui ne partagent pas notre foi, qui viennent frapper à la porte de nos pays, pour trouver une terre d’accueil, se procurer de quoi vivre, un travail, dans certains cas retrouver de la famille, des proches.
Les chrétiens ne sont pas en reste, beaucoup s’engagent déjà depuis longtemps.
Le Pape François particulièrement sensible aux injustices et aux violences faites aux personnes réfugiées nous le rappelle très souvent.

Dans un monde chaotique et déshumanisé, le témoignage de chrétiens qui manifestent bienveillance et compassion est capital.
Même si personnellement nous sentons que nous ne pouvons pas grand-chose, du moins, évitons toute forme d’hostilité, de critique systématique, qui va à l’encontre des valeurs de l’évangile et de la parole même du Seigneur.
Demandons au Seigneur de savoir accueillir tout ce qui est bon, noble et généreux chez des personnes qui ne partagent pas notre foi, et de ne pas passer à côté des rencontres, des occasions de dialogue qui honoreront notre beau nom de chrétiens.

A l’exemple de Jésus face à la cananéenne, laissons-nous surprendre par la grâce qui agit dans ces rencontres inattendues. Le vent souffle où il veut. Que l’Esprit nous amène à nous émerveiller et à rendre grâce jour après jour.

Amen.